Economie et
culture : Nouveaux enjeux géographiques ?
Jean-Pierre Augustin
Géographie et cultures, n° 40, 2004Paris,
L’Harmattan, 143p., ISBN : 2-7475-6712-4
Ref. : CR-1386
Les ouvrages de géographie
culturelle ont, depuis les années 1980, favorisé de multiples
ouvertures de la discipline, et une des nouveautés vient peut-être
depuis les années 1990, de la géographie économique qui s’est
attachée à la redéfinition de l’économique et à son articulation
avec le culturel. C’est en tout cas le fil directeur que le numéro
spécial de la revue Géographie et cultures tente d’explorer.
L’introduction que propose Isabelle Géneau de Lamarlière rappelle
que la géographie économique des années 1950 avait été, sous la
forme de l’analyse spatiale, à l’origine d’une influence sur
l’ensemble de la géographie humaine, mais que la relation s’est
inversée aujourd’hui puisque la géographie économique porte crédit
aux divers courants culturels qui ont touché la discipline. Elle
souligne le passage d’une science de l’espace à une science des
« lieux » (pour les anglophones) ou du « territoire » (pour les
francophones). L’analyse spatiale était centrée sur l’espace souvent
perçu comme abstrait, homogène, continu afin d’être traité
géométriquement, abstraitement et modélisé. Les flux, les
interactions spatiales intégrant le coût des transports et les
localisations optimales des activités étaient valorisés afin de
rechercher un ordre géographique et des lois générales. Ce qui
caractérise les nouvelles approches économiques c’est la prise en
compte des lieux spécifiques selon des échelles variées (un
quartier financier, un district industriel, une région, un pays…).
L’auteur note que l’espace est marqué par sa concrétude et sa
singularité, il est par ailleurs toujours en élaboration et ces
attributs permettent de saisir les liens entre le culturel,
dimension essentielle de la spécificité des lieux, et les pratiques
et représentations qui le construisent. D’autres auteurs et
notamment Trevor Barnes considèrent que ce passage de l’espace au
lieu a été rapide et que la géographie économique se trouve
« propulsée dans un autre monde ».
Un
des intérêts de la revue est de proposer des interprétations
plurielles des évolutions évoquées. Doreen Massey souligne que
l’espace doit être perçu comme complexe, fracturé, multiple et non
fini, « constamment en composition à travers une pluralité de
pratiques relationnelles et multidimentionnelles dans le sens où il
émerge non seulement de relations économiques, mais aussi de toute
la gamme des pratiques sociales ». Il faut alors prendre en compte
la notion de réseau et de relation pour conceptualiser l’espace de
la géographie économique. Bernard Pecqueur évoque la notion de
contextualisation pour aborder la dimension culturelle de la
différenciation des formes économiques. Nigel Thrift aborde la
question de la consommation et des activités financières et parle
d’un tournant des recherches anglo-saxonnes autour de la géographie
de l’économie culturelle. André Métral évoque les cultures
entreprenariales propres à des espaces nationaux en illustrant son
propos sur la région de Tunis. Caroline Desbiens retrace le
processus de construction identitaire territorial qui favorise le
développement économique de la Baie James.
Au
total, l’ensemble des textes, malgré leur diversité, souligne
l’importance de la dimension géographique et de ses apports pour
l’étude des relations de l’économique et du culturel. Signalons
enfin la qualité des analyses des onze ouvrages proposés dans la
rubrique lecture qui complètent parfaitement la cohésion de ce
numéro spécial.
Jean-Pierre Augustin
UMR
ADES 5185 du CNRS
Université de Bordeaux 3