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SEMINAIRE DU 2
AVRIL 2003 à TAURIAC (Gironde)
1.
Quelques définitions pour mieux se comprendre
La présentation de l’IDDAC (pas de
recettes, pas de modèles, une méthodologie pour mettre en place une
action culturelle communautaire) tend à mettre en place une praxis
propre à chaque territoire en relativisant le débat sur « quelle
culture ». Il s’agira, dans les faits, d’entendre les acteurs,
d’inventorier les ressources, et d’établir collectivement un diagnostic
permettant de fonder une démarche commune. Cependant, il est difficile
de croire que le concept de culture suffise à créer la coopération, même
portée par des personnalités d’exception ou par un «génie des lieux »
dont il faudrait réveiller l’authenticité et les anciennes cultures. Les
propositions dynamiques de l’IDDAC n’ignorent pas les difficultés de
compréhension qui peuvent s’établir dans une démarche commune. La
culture, sujet du séminaire, doit être pensée comme un objet à
construire par les acteurs du pays de Haute-Gironde, ce qui nécessite
donc de mettre en place un lexique commun, condition de la
« traduction » qui permet à des personnes de sexe, d’âge, de culture
professionnelle ou familiale, d’origine sociale différents de coopérer.
a) Interventions culturelles, acteurs, types d’action
Quatre catégories d’interventions
culturelles apparaissent communes à la Bretagne, au Jura et à la
Haute-Gironde (et probablement à tout le territoire français): la
diffusion de spectacles et le soutien aux artistes, les pratiques
artistiques et culturelles amateurs, l’animation et les cultures
locales, la gestion et conservation du patrimoine pour ne prendre que
les principales citées.
Ces interventions culturelles semblent d’autant moins particulières à
chaque territoire qu’elles fonctionnent aux frontières des autres champs
d’intervention publique que sont l’éducation, le tourisme, l’action
sanitaire et sociale, le développement local etc., la culture servant
ainsi de complément ou de faire-valoir aux « grandes » politiques
publiques (culture et lien social, culture et économie, culture et
égalité…), quand ce ne sont pas les politiques publiques de la culture
qui se justifient sur ces divers ordres de grandeur. On notera
particulièrement que ces actions se réalisent dans un contexte où « le
champ de la culture organisée enregistre les effets profonds de la
décentralisation culturelle » et où « face aux fragmentations sociales
et spatiales, la recherche actuelle d’une meilleure cohésion sociale
fait de l’action culturelle un facteur d’intégration et de réactivation
de l’espace public républicain »(Favory, 1998, p.74 et 75).
Si les catégories d’interventions
culturelles sont grosso modo les mêmes d’un territoire à l’autre, la
particularité des actions citées en exemple dépend-elle des personnes ou
des groupes qui sont à l’origine de ces actions? On peut classer les
acteurs qui apparaissent tour à tour, simultanément ou successivement,
dans le récit des participants du séminaire de Tauriac en trois
catégories : premièrement les acteurs bénévoles et associatifs,
deuxièmement les artistes et professionnels de la culture, de
l’animation, du tourisme et du développement local, troisièmement les
élus locaux et les services de l’Etat, du département et de la région.
Chacune de ces catégories pèse de façon significative sur la décision
qui sera prise dans le cadre local, et leurs poids dépendent des
idéologies qui les fondent, des dispositifs auxquels elles se réfèrent,
des contraintes économiques qui les font agir, des réseaux
professionnels et politiques qui les irriguent, des conflits qui les
opposent ou des alliances qui les unissent etc. Les personnes ressources
se trouvent probablement au intersections entre ces trois catégories: le
directeur du centre culturel de Mauron, ancien bénévole devenu
professionnel puis élu, assure ainsi sa crédibilité et la légitimité de
son assise locale, auxquelles il peut rajouter d’avoir été agriculteur
et natif de son pays.
Enfin l’action culturelle « en région »,
on pourrait presque dire « en pays »
se construit sur des catégories d’action qui matérialisent la
coopération des partenaires. Les participants au séminaire de Tauriac se
repèrent sur trois types d’actions symboliques, porteuses de sens en
même temps que de contradictions. La première revient à construire des
équipements, la deuxième à créer des événements, la troisième à
organiser des activités. Le tour de table qui finance chaque action
indique les limites de la créativité d’un maire, d’un bénévole, d’un
professionnel face aux catégories des financement publics, aux lois qui
régissent les limites entre secteur privé et secteur public, aux
prérogatives de chaque administration déconcentrée ou décentralisée.
b) Territoires, échelles territoriales
Le territoire, « maille de gestion de
l’espace », est un espace « approprié, avec sentiment ou conscience de
son appropriation » (Brunet, 1992, p.480), qui contribue à la
cristallisation de représentations collectives dans un espace socialisé,
garanti par la puissance de l’Etat. Cette notion peut aller jusqu’à la
métaphore du territoire animal (on défend son territoire lorsqu’on est
menacé). A l’inverse le territoire connaît également une interprétation
qui le neutralise, lorsqu’on parle d’aménagement du territoire, des
communautés territoriales, du personnel territorial « car il est
dangereux de toujours prendre au sens fort le mot territoire: le
territoire communal, ou le territoire départemental ne gagnent rien à
être survalorisés et considérés comme possessions à défendre à tout
prix; les autorités qui les ont en charge ont seulement à les bien
gérer » (Brunet, 1992, p.481). Plus que les multiples significations
données au mot territoire par les participants du séminaire, nous
retiendrons ainsi que celles-ci participent de deux univers: un univers
chaud, celui de l’appropriation, de l’appartenance, du partage de
représentations collectives, et un univers froid, celui de la gestion,
de l’administration, de l’aménagement, et même du contrôle et de la
surveillance. L’aménagement culturel, dans les pratiques inaugurées par
l’IDDAC, confronte la culture à ces deux univers, et révèle l’opposition
entre l’appropriation culturelle de l’espace vécu par les communautés
locales et la gestion symbolique par l’Etat du territoire national
décentralisé.
Ces tensions sont
d’autant plus sensibles si l’on considère que l’aménagement culturel
peut se jouer sur quatre, cinq ou six échelles territoriales. La
programmation d’un spectacle, d’un équipement, d’un événement en
Haute-Gironde révèle l’intentionnalité d’une décision publique dans le
cadre local qui peut impliquer simultanément ou séparément la communauté
européenne, l’Etat, le conseil régional, le conseil général,
l’intercommunalité, la commune… La réalisation d’une action qui mobilise
toutes les échelles territoriales (exemple de Mauron) est saluée comme
une réussite pour l’intercommunalité. Elle signale surtout le
savoir-faire d’un animateur territorial, et indique ponctuellement un
compromis signant l’équilibre des différents niveaux de décision. A
l’inverse, la politique intercommunale de Dôle se heurte au relatif
retrait du conseil général et montre que la cohérence des niveaux de
décision est rare. La difficulté d’une planification des actions entre
l’Etat, le département et la région en Gironde (Bellegarde 2002) met les
acteurs dans une incertitude qu’ils peuvent parfois mettre à profit,
mais qui paralyse souvent l’action au détriment des territoires les
moins bien dotés.
c) Hiérarchies culturelles, hiérarchies spatiales
Si l’on se réfère au concept de
distinction (Bourdieu, 1979), il est insuffisant de parler de
hiérarchies culturelles, il faut admettre que le principe même de
culture, recouvrant une économie des biens symboliques, distingue les
personnes culturellement dotées des autres, ou que la recherche de biens
culturels caractérise la volonté des individus d’améliorer leur position
dans le champ social. On retrouve cette tension, étendue de façon
solidaire au collectif, dans la volonté de « tirer vers le haut » le
pays en cherchant à promouvoir « une culture d’excellence ». Cette
aspiration à l’excellence se peut se retrouver en négatif dans la
dévalorisation des cultures locales, dans l’opposition entre la qualité
d’une école de musique et la médiocrité d’une fanfare, ou dans la
qualification de l’environnement et du patrimoine contre la souveraineté
de la démocratie locale, accusée de ne pas protéger les richesses
communes. La culture, appelée au secours d’une cohésion menacée par
l’effritement des classes sociales, crée des équipements, des activités
ou des événements qui reconstruisent partiellement la dialectique des
conflits de classe: il y a les « in » qui vont au spectacle, au centre
culturel, à l’école de musique, et les « out » qui n’y vont pas. Le
bien-fondé de la culture, affaire d’Etat, indique le bon chemin en
réprouvant « ceux qui n’y vont pas » et en subventionnant « ceux qui y
vont ». Dans le même temps, il est difficile de tenir un discours de
relativisme culturel (« toutes les cultures se valent ») en ignorant
deux siècles de modernité, cent vingt ans d’instruction publique, un
siècle de mouvements d’éducation populaire, quarante ans de
démocratisation culturelle et vingt ans de décentralisation: culture
distinctive et démocratisation culturelle font partie de l’héritage de
chaque français, quoiqu’en pensent les militants de la décentralisation
culturelle qui ont toujours un peu l’idée que la campagne est peuplée
d’analphabètes et la banlieue de sauvageons. Il faut enfin considérer
que « les cultures populaires » sont presque toujours issues, en France,
de politiques culturelles volontaristes qui ne datent pas d’hier,
qu’elles soient de tradition républicaine, comme la fanfare ou
l’harmonie, ou de tradition confessionnelle ou régionaliste, comme les
groupes folkloriques ou les cercles félibriges.
Les hiérarchies culturelles étaient
constitutives des hiérarchies spatiales au temps où l’espace rural
connaissait une homogénéité sociale, productrice de cultures partagées.
Jean-Pierre Augustin distingue cinq processus qui changent profondément
l’organisation et la forme de l’action culturelle en région: « celui de
la mobilité accélérée qui favorise un changement d’échelle urbaine
remettant en question la distance physique comme indice de la proximité
sociale; celui de la rétraction du social qui correspond au délitement
de l’organisation traditionnelle au profit d’un espace de parcours entre
de multiples lieux; celui de la multiplication des moyens d’information
et de communication qui agit dans l’espace social au détriment des
relations personnelles directes; celui de la remise en cause de
l’intégration par le travail qui a longtemps été un des fondements de
l’organisation urbaine; et enfin celui de l’individuation qui devient un
principe fondateur se distinguant de l’individualisme conçu comme un
repli sur soi » (Augustin, 2000, page 2). Ces processus, qui ne sont pas
spécifiques au monde rural, signifient-ils que la recherche d’une
meilleure cohésion sociale par l’action culturelle est non seulement
indispensable, mais doit être traitée d’une façon uniforme à l’échelle
du territoire national ? En contrepoint de ces évolutions et des
processus qui les organisent, on constate un certain nombre de
permanences qui résistent dans la durée au nivellement des espaces et
des cultures. La première de ces permanences est la reproduction des
hiérarchies spatiales et culturelles qui existent entre la ville-centre
et sa périphérie, entre l’agglomération urbaine et l’espace rural
départemental, entre la métropole et sa région (Raibaud 2000, 2001). La
deuxième tient à la capacité qu’ont les communautés rurales de s’appuyer
sur les éléments patrimoniaux, historiques et géographiques pour
constituer des espaces de résistance et se mobiliser face aux
conséquences néfastes des hiérarchies spatiales, notamment lorsque
l’extension de l’aire métropolitaine expulse les nuisances vers
l’extérieur (industries polluantes, décharges, voies de communication à
grand trafic). La troisième tient à l’acculturation ancienne du monde
rural aux processus de modernisation et à la densité de l’organisation
administrative, éducative, sociale qui l’irrigue, facilitant la
transmission de la mémoire et des savoir-faire. La recomposition du
monde rural, comme le montre l’exemple de la commune de Gavaudun et de
son maire Maurice Caumières, se constitue à partir du moment où l’école,
la commune, le réseau associatif s’approprient le château, la rivière,
le village pour en faire des richesses partagées, qu’elles soient
sociales, touristiques ou économiques. Le centre culturel en milieu
rural accélère encore le processus en devenant simultanément lieu de
consommation culturelle, d’intégration sociale et de création artistique
(Lamy 1995), et en produisant de ce fait des valeurs dont les
thématiques sont fortement liées aux sociétés et aux territoires.
2.
La culture au travail
« La seule économie possible, c’est le
projet culturel » déclare le directeur du centre culturel de Mauron.
Ancien agriculteur reconverti dans la culture, son témoignage ne peut
être remis en cause. Mais au-delà d’une trajectoire personnelle, la
mutation de l’exploitant agricole en animateur culturel intervenant dans
une chaîne de production qui associe des intermittents du spectacle, des
enseignants de disciplines artistiques, des animateurs sociaux et
socioculturels, des agents de développement invite à penser le monde
rural comme un nouvel espace de production de culture organisée, avec
ses organisations, ses logiques économiques et ses travailleurs. La
création et le développement du centre culturel de Mauron mettent leurs
pas dans la plus classique des évolutions qu’ont connues les entreprises
agricoles du monde rural, passant du stade de l’exploitation
individuelle ou familiale (artiste indépendant, petite association), au
stade de la coopérative, liée à la défense des intérêts locaux
(association intercommunale, construction d’un équipement commun
permettant le développement et la transformation de la production), puis
par effet de concentration au regroupement de coopératives et de
producteurs qui associe la rationalisation de la production et de la
gestion aux effets d’un lobbying puissant appuyé sur l’identité
régionale (développement du centre culturel par élargissement de
compétences au pays, programmes européens etc.). La comparaison des
conditions de leur production montre en outre que les mondes de la
culture et de l’agriculture ne sont pas si éloignés, si l’on considère
les modes de financement de l’agriculture, largement subventionnées
depuis des décennies par l’Etat et l’Europe, ou bien les multiples
adaptations de l’exploitant agricole invité à changer de cultures au gré
des marchés ou des directives européennes, voire à diversifier ses
productions en développant gîtes et chambres d’hôtes, tourisme à la
ferme ou activités socioéducatives de plein air.
D’un autre côté, on assiste à une
modification considérable des représentations communes du travail
culturel, en particulier du travail de l’artiste. Dans le « portrait de
l’artiste en travailleur », Pierre- Michel Menger montre que la
représentation qui opposait l’artiste au bourgeois et le monde de l’Art
au « matérialisme calculateur du travail » laisse peu à peu la place à
de nouvelles représentations dans lesquelles « l’artiste voisine avec
une incarnation possible du travailleur du futur avec la figure du
professionnel inventif, mobile, indocile aux hiérarchies,
intrinsèquement motivé, pris dans une économie de l’incertain (…) comme
si l’artiste lui-même exprimait à présent, avec toutes ses ambivalences,
un idéal possible du travail qualifié à forte valeur ajoutée » (Menger,
2002, p.98). Les connexions entre certains territoires éloignés ou
délaissés et les créateurs s’expérimentent depuis plusieurs décennies,
de façon spontanée par l’attraction que représentent pour l’imaginaire
artistique les territoires ruraux, ou de façon planifiée par la
multiplication des résidences d’artistes. Les résidences de l’Art en
Dordogne, décrit par Yvon Lamy et Françoise Liot (Lamy et Liot 2002),
sont analysées sous l’angle des rapports contractuels passés entre
l’artiste et ses partenaires, dans un contexte de plus ou moins grande
liberté donnée à l’artiste créateur. Les résidences d’artistes en
Dordogne qui étaient pensées au départ comme un soutien à la création
semblent évoluer vers des engagements dans lesquels l’artiste en
résidence se voit imposer un travail de sensibilisation et de médiation
par des partenaires locaux parfois plus pragmatiques que mécènes : « (…)
en région, la seule validité artistique ne suffit pas à légitimer les
projets. Dans le milieu rural en particulier, les actions acquièrent une
visibilité forte et doivent faire preuve d’une certaine efficacité
sociale. Les opérations engagées doivent tenir compte des préoccupations
de la population et, à ce titre, ne peuvent être indépendantes ni des
questions socioéconomiques liées au développement local, ni des
questions politiques de satisfaction des administrés » (id, p.218). On
devine derrière ces évolutions la montée en charge d’une demande locale
de « travail culturel » organisé par des acteurs locaux, élus ou
animateurs qui ne revendiquent aucune compétence artistique mais bien
une compétence gestionnaire dans la transformation de la production
artistique. Dans un contexte où «le travail intermittent a connu une
fragmentation grandissante et la concurrence s’est faite plus vive entre
un nombre croissant d’artistes obtenant des parts moins importantes de
travail » (Menger, 2002, p.94), les artistes ne posent guère de
conditions, comme le remarque l’adjoint au maire de Dôle en réponse à
une question sur leur degré d’acceptation dans le compromis avec le
monde politique. L’artiste apparaît ainsi comme un travailleur inscrit
dans le plus classique des rapports de production.
3. Les petites
fabriques de territoire
La culture au travail laisse ainsi
pleinement s’accomplir le travail de la culture, organisé dans de
« petites fabriques de territoire ». Le centre culturel de
Mauron-en-Brocéliande constitue une chaîne organisée d’acteurs couvrant
l’ensemble des catégories d’intervention culturelles et
socioculturelles, l’éventail des catégories d’action et mettant en
œuvre une coopération avec les différentes catégories d’acteurs sur
l’ensemble du territoire, y compris ses zones d’expansion. Il n’est pas
anodin que la gestion du centre soit associative, association de service
public et gestion de droit privé. La recherche de prestations ou de
financements publics s’apparente alors à la conquête de marchés, mais
les conditions des contrats passés, en particulier aux différentes
échelles territoriales, imposent des points de vue sur le territoire
qu’il appartient à l’animateur d’interpréter de façon à ne pas trop
perturber l’équilibre négocié avec les partenaires locaux. La réussite
de l’action passe ainsi par une science du compromis respectant le
fragile équilibre entre les différentes forces qui contrôlent ou animent
le territoire, et par une production d’écrits et de discours sur la
culture justifiant la conformité des actions avec les normes et les
valeurs en usages aux différents niveaux où se prennent les décisions.
On est loin de la norme un peu raide qu’imposait l’idéologie
planificatrice malrucienne, mais aussi de sa critique qui dénonçait un
« état culturel » interventionniste (Fumaroli, 1992), même si l’Etat
garde dans l’affaire la possibilité du dernier mot . Ce passage d’un
« classement de classe » (Lamy, 1993, p..53) vers une sorte de
« bienveillance culturelle de l’Etat » est en réalité une mutation
sociale des formes d’interventions culturelles, dans laquelle Yvon Lamy
voit « l’axe d’une politique de refus des modalités les plus criantes de
l’exclusion culturelle (…) par la production multipliée de
biens « ethniques » intermédiaires, fortement ancrés dans le territoire
et capables de fournir à la vie associative les références authentiques
du consensus social » (id). « La culture ainsi reçue est en même temps
construite, (elle) n’est reconnue qu’en se bouclant sur sa propre
objectivité avec d’un côté la production savante de signes (…) et de
l’autre l’affichage politique » (id, p.80), matérialisé par les labels
ou les logos qui lui donnent ainsi toute la légitimité des niveaux
supérieurs de la gestion du territoire. La culture, dans le meilleur des
cas, devient une production du territoire avec ses travailleurs, ses
processus de transformations, ses contradictions, aboutissant à une
production de territoire dont l’identité est d’autant plus forte qu’elle
a été construite au jour le jour sur le mode du compromis, et a évité de
ce fait les perturbations et les ruptures que peuvent opérer des
interventions radicales, fréquemment liées à l’appauvrissement des
processus démocratiques dans les sociétés locales.
SEMINAIRE DU 2 JUILLET
2003 A FUMEL
Cette synthèse s’inscrit dans la
continuité de la réflexion engagée le 16 avril. Elle s’appuie pour la
matinée du 2 juillet sur les notes prises par Séverine Fleith.
Le Fumélois en exemple? La modestie des
acteurs culturels du fumélois est rassurante, et permet de mieux
apprécier les avancées concrètes d’une intercommunalité qui se construit
aussi sur le volet culturel. Les girondins sortent de cette journée avec
l’impression d’avoir rencontré des problématiques semblables aux leurs
et pris connaissance de solutions transposables en partie dans leur
contexte.
Un récit et des actions
Le récit des élus et des techniciens de
l’intercommunalité de Fumel commence par la géographie et l’histoire de
la région. Cependant, il serait plus exact de dire « une géographie » et
« une histoire ». Le Lot (l’eau) et le Périgord (la forêt) sont évoqués
comme deux éléments dont la rencontre produit l’industrie, qui elle-même
produit l’histoire du bassin fumélois, ce qui amène au centre du récit :
la crise économique des années 80. Le propos des élus s’inscrit donc
d’emblée en référence à cette histoire récente. L’intercommunalité est
racontée comme une nécessité de gérer la sortie de la crise, la culture
arrivant en second temps comme un des moyens d’en sortir « la tête
haute », de communiquer une image positive du pays à l’intérieur comme à
l’extérieur.
Une autre histoire se lit en filigrane
de la première. L’esprit communautaire n’existe pas encore, il y a des
rivalités entre communes. Le « motus vivendi » exige une certaine
neutralité, les maires préfèrent déléguer leurs adjoints à la communauté
pour éviter les conflits frontaux. Cette neutralisation de
l’intercommunalité se retrouve dans une démarche qui n’intègre dans le
pot commun que ce qui ne fâche pas. Le diagnostic des potentiels en
terme de culture enregistre qu’on ne mutualise qu’une partie des
ressources. La création d’une politique culturelle commune se construit
ainsi « dans les failles de l’existant ». La réalité forte de
l’intercommunalité culturelle se traduit cependant par le vote d’un
budget conséquent et l’embauche de personnel. Le projet de médiathèque
intercommunale serait un pas important, car il consacrerait
l’enracinement de la communauté dans un patrimoine commun, mais ce n’est
pas encore fait.
Les pratiques amateurs, l’animation et
les cultures locales, le patrimoine ne sont pas concernées pour
l’instant dans cette action qui se développe principalement dans le
domaine de la diffusion, en particulier en direction des publics
spécifiques désignés par des politiques publiques départementales,
régionales et nationales : enfants d’âge scolaire et jeunes.
L’élargissement de ces actions à d’autres se fonde sur l’hypothèse d’une
lente agrégation des communes dans l’intercommunalité, aidée par la
capacité du « technicien culturel intercommunal » à constituer un réseau
de partenariat avec le monde associatif.
L’exemple de la commune de Monsempron-Libos
peut se lire en contre-exemple de l’exposé du matin. L’histoire
revendiquée n’est plus la naissance d’une industrie, mais le sauvetage
d’un prieuré, accolé à une église romane classée, en haut du village. Le
village ancien est valorisé par rapport au bas du village et sa liaison
avec la ville centre de Fumel par la gare, la voie ferrée et d’immenses
friches industrielles. Au village du haut, le prestige d’expositions
d’art contemporain et leur médiatisation qui fait de Monsempron-Libos
une étape possible dans les circuits du Périgord culturel. Au village du
bas la gestion communale de l’ancien cinéma ouvrier devenu cinéma
généraliste et cinéma d’art et d’essai. Alors que l’intercommunalité
rationalise la gestion, économise les moyens, diffuse du consensus, le
maire-mécène affirme ses choix et ses goûts, dépense sans compter pour
le patrimoine, ose l’avant-garde. Le maire bénéficie du charisme des
artistes qu’il invite. Ses choix sont entérinés par le prestige qu’il en
retire auprès de ses électeurs.
L’intercommunalité ne décourage pas les
initiatives des communes : bien au contraire elle les conforte quand
celles-ci ne font pas double emploi avec d’autres initiatives sur le
même territoire. Elle peut ainsi se poser en système fédératif d’actions
communales, en reversant aux communes des aides correspondant aux
actions particulières que celles-ci peuvent réaliser, et en capitalisant
ces actions dans une communication qui prouvent la réalité de la
coopération intercommunale.
Séminaire du du 30 septembre 2003 à Saint-Christoly-de-Blaye
Troisième rencontre organisée par l’IDDAC
avec les acteurs culturels du pays de Haute Gironde : l’enjeu de la
réunion est de restituer le contenu des deux précédents séminaires à
d’autres acteurs du pays, en particulier les élus locaux (élus du pays
et des intercommunalités). L’organisation de la réunion nécessite la
désignation de porte-parole, donc de porteurs représentatifs et de
paroles communes : on est déjà dans l’instituant.
Les membres du groupe de travail réuni
par l’IDDAC commencent à se connaître et les acquis des journées
précédentes affleurent au détour d’un propos sous la forme d’une
allusion ( « comme le disait l’adjoint au maire de Dôle… l’expérience de
Fumel… le pays de Ploërmel… le prieuré de Monsempron-Libos… »).
Cependant cette parole commune est largement perturbée par d’autres
paroles tout aussi légitimes : celles qui sont portées par un président
d’une communauté de communes, ancien militant associatif et culturel,
celles qui opposent un projet culturel ambitieux (le projet Louvre) au
commencement d’organisation du groupe volontaire qui s’est constitué,
mais aussi celles qui répondent à cette proposition en lui opposant un
réseau existant des musiques amplifiées censé représenter les jeunes
contre l’ « etablishment » culturel… Est-ce à dire que tout est à
refaire ? Pas exactement…
Instance culturelle
L’instance culturelle n’émerge pas comme
une structure qui serait « dévoilée » par l’enquête, le diagnostic,
l’analyse, mais comme une croyance. Le Pays, à peine fondé, prend la
peine de se raconter : ses frontières « naturelles » (l’estuaire, la
limite du département, la communauté urbaine et son expansion
réticulaire autour de l’autoroute), ses déterminants économiques
(agriculture et viticulture, centrale nucléaire…), sa cohésion politique
(cinq cantons devenus des intercommunalités puis un Pays)… Le surcroît
de légitimité pour cette construction territoriale peut venir des
références culturelles qui participent à rendre plausible pour les
habitants l’appropriation d’un nouvel espace chargé de sens. Les
animateurs du Pays ont l’intuition que la culture peut jouer ce rôle,
mais dans le même temps la culture s’affiche, dans sa diversité, comme
un élément qui divise, qui classe, qui oppose.
L’entrée par le patrimoine paraît
consensuelle. Le support du Pays de Haute Gironde est pour l’instant un
syndicat mixte qui tire son origine des actions de développement
économique et touristique initiées dès les années 1970. Il apporte au
Pays sa science du développement local fondée sur la reconversion d’une
agriculture en perte de vitesse. L’agrotourisme, le développement des
gîtes et chambres d’hôtes, la mise en place avec le support des conseils
départementaux et régionaux du tourisme d’une signalisation routière,
puis d’un schéma de chemins de randonnée ont créé les base d’une
cohérence territoriale. Le maillage repose comme partout en Gironde sur
le circuits des églises romanes : elles démontrent la continuité
historique qui relie la fondation des paroisses à la modernité des
démocraties locales. La « Gironde monumentale » chère à Léo Drouyn est
fondamentalement romane et médiévale, mais aussi départementaliste car
communale et cantonale. Cependant – et la fréquentation touristique est
là pour le prouver – le déséquilibre est patent entre un arrière pays
jaloux de ses trésors et la force d’attraction que représente l’estuaire
et ses cités historiques, Blaye et Bourg-sur-Gironde. La citadelle de
Blaye, phare du Pays, tournée d’un côté vers l’Angleterre et de l’autre
vers Bordeaux correspond à une autre version de l’organisation
territoriale, celle qui polarise le Pays sur le rôle dominant de
l’ancien bastion militaire. La Pays « blayais » risque une évolution « post-moderne »
qui verrait le retour des anciennes hiérarchies territoriales dans un
cadre général de métropolisation du département de la Gironde par
l’extension de la métropole bordelaise. Le débat autour du projet
« Louvre » apparaît comme un cas d’école, aux innombrables
significations ; sa fragilité institutionnelle (combien de temps la
logistique de l’institution muséale, pour l’instant dopée par l’effet
d’annonce et l’affichage politique – survivra-t-il aux contraintes de
l’éloignement et à la faible rentabilité symbolique des actions menées
dans le moyen et le long terme ?) relativise le problème et encourage à
considérer les autres dimensions de la culture en Haute-Gironde.
L’entrée par le spectacle vivant s’inscrit dans une autre tradition,
plus récente, des politiques publiques de la culture. Sans revenir sur
l’histoire de l’émergence du concept d’action culturelle et de
démocratisation culturelle, on connaît en Haute Gironde les actions de
décentralisation culturelle soutenues par le ministère de la culture et
prolongées depuis 1981 par le conseil général et le conseil régional. En
Gironde, les actions de développement de l’animation musicale en milieu
rural menées par l’ADAM Gironde ont été remplacée dès 1983 par des
actions de diffusion de spectacles menées par le conseil départemental
de la culture, puis par l’IDDAC. Le rapprochement des artistes et des
publics (ici ruraux) s’appuie en Haute Gironde sur la proximité qui
existe entre les réseaux laïques et les réseaux politiques. La diffusion
ne prend pas le risque d’un public rural potentiel, dont on peut
craindre que les goûts ne corresponde pas au projet d’éducation
populaire et de promotion sociale qui anime les militants culturels.
Elle s’appuie en grande partie sur l’idée de création des nouveaux
publics, dont l’école est un des principaux vecteurs, et sur l’espoir
que les nouveaux habitants du milieu rural (qu’on baptise par commodités
rurbains ou néo-ruraux) trouveront dans cette offre une réponse au
souhait quon leur prête de trouver à la campagne les mêmes loisirs
culturels qu’en ville. La réponse décevante du public, en dehors du
public « captif » des scolaires, est compensée par la communication qui
accompagne chaque événement dans la presse locale. Les spectacles
donnent à voir l’effort de modernisation que représentent la
construction ou la rénovation des salles polyvalentes, parfois
rebaptisées centres culturels.
L’entrée par les pratiques amateurs est dominée par l’omniprésente
question des écoles de musique et des orchestres d’harmonie, vestige
d’une tradition musicale d’un siècle. L’alternative représentée par les
orchestres de rock et les associations qui les supportent place le débat
sur un plan familier au monde rural et à ses élus, celui de la
modernisation et de la nécessité d’offrir aux jeunes des loisirs
adaptés. La présence plus diffuse d’ateliers et troupes de théâtre et
d’ateliers d’arts plastiques illustre également cette initiative
culturelle venue du terrain pour pallier aux manques du service public
d’éducation en matière d’enseignements artistiques. L’enseignement de la
danse existe peut-être, mais ne s’exprime pas ou peu dans le débat
public.
Sur la dernière entrée, celle des arts
et traditions populaires et de l’animation locale, pèse le soupçon des
limites de « la culture ». Jusqu’où va-t-on dans ce domaine ? Les quines
(lotos), les thés dansant, la fête du cochon sont-ils de la culture ? A
quel niveau d’authenticité se situent le folklore, les contes,
l’artisanat local ? Les nouvelles collectivités doivent-elles aider ces
formes culturelles, et sur quels critères ?
Consensus…
« En quoi
la culture peut-elle être cette notion qui (…) fait la liaison entre le
sujet cultivé et l’objet culturel, l’acteur et ses principes d’action,
l’action sociale elle-même et sa cohérence d’ensemble (…)? La réponse
tient dans le fait qu’elle présente trois caractéristiques majeures,
celle d’être un facteur d’intégration, d’être un mode de consommation,
d’être enfin un objet de production.
Facteur
d’intégration. La culture ordonne les sociétés parce que les sociétés
sont en perpétuelle transformation. (…) Est impensable une société qui
ne se traduise dans une histoire culturelle active, et ne se réfère à un
code culturel différencié selon les classes, selon les âges et les
générations. La culture est un facteur d’intégration.
Mode de
consommation. Objet de reconnaissance sociale, elle est également un
objet de diffusion et de consommation, de communication et de
distinction par des publics spécifiques, comme le montrent les effets
démultiplicateurs de la société de masse sur les activités culturelles.
(…) La culture qui se procure sur un marché met l’art et l’esthétique à
la portée du plus grand nombre. Elle se traduit alors dans des systèmes
de goûts et structure des styles de comportement.
Objet de
production. Norme, valeur, croyance d’un côté, pratique et consommation
de masse de l’autre, production et création enfin, telle est l’amplitude
du phénomène. (…) La culture informe et se révèle comme vecteur de
transformation dans une production éphémère, le spectacle « vivant », le
concert, la création artistique. (…)
La culture
joue ainsi le rôle d’un concept médiateur par excellence entre le
développement des loisirs et l’élévation du niveau scolaire, le temps de
loisir et le temps de travail, le temps « choisi », « libéré » et
l’identité statutaire, et entre le mode de vie et le niveau de vie, la
sphère de la signification symbolique et celle des ressources
politiques » (Yvon Lamy, 1993, p.203).
Ces
dimensions se reflètent dans « l’histoire culturelle active » du Pays de
Haute-Gironde, telle que nous l’avons suggérée ci-dessus. Envisagée
globalement, la culture peut permettre à chacun de trouver un mode
d’entrée dans le Pays et d’y évoluer à son rythme et à son niveau. La
dynamique de Pays vers un « plus » culturel favorisant l’émergence d’une
image collective et l’appropriation de celle-ci par le plus grand nombre
passe alors par un diagnostic et une analyse culturelle territoriale
mettant en tension les catégories d’intervention mais aussi les
catégories d’acteurs (élus et fonctionnaires territoriaux,
professionnels de la culture, bénévoles et associations), les catégories
d’actions (événements, équipements, aides aux pratiques artistiques…),
etc.
Question de
temps…
Robert
Badinter, parlant de l’Europe, constatait que cinquante ans c’est bien
peu pour construire un espace politique commun. Bien sûr, on pourrait
accélérer le processus en se réclamant d’une Europe millénaire, mais
alors la dispute commence : de quelle Europe s’agit-il : Europe
chrétienne ? Europe des nations ? Europe de la révolution industrielle
et des travailleurs ? Toute proportion gardée il en est de même pour les
Pays, en particulier pour le pays de Haute Gironde. Même si la dimension
culturelle de la cohérence du territoire conduit à valoriser la logique
patrimoniale, la notion d’ « héritage » ne doit pas masquer que la
véritable histoire du Pays commence il y a trente ans à peine avec le
premier syndicat mixte de développement touristique. La création d’une
« commission culture » au sein du Pays de Haute-Gironde inaugure une
étape supplémentaire de cette construction dont les acteurs rassemblés
connaissent les principaux axes, définis comme urgences : refuser le
stigmate de l’arrière-pays (pays arriéré ?), accueillir les nouveaux
habitants, mettre en scène le Pays.
L’entrée en
scène des acteurs culturels est à présent conditionnée par la volonté
des élus locaux de prolonger la démarche de coopération en y ajoutant la
dimension culturelle. Le risque exprimé par les élus est de voir
disparaître un peu plus par cette nouvelle échelle de la coopération
intercommunale les identités locales ; cela suppose également que soient
encore un peu plus tenues à distance les rivalités et les conflits. Pour
citer à nouveau Robert Badinter parlant de l’Europe, il s’agit toujours
de « faire la paix, partager, construire ».
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la pratique culturelle amateur à l'institutionnalisation par le biais de
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